Un an avec le fantôme…

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Il y a un an, le 11 janvier dernier, je me réveillai avec le soleil en moins. Un astre noir était posé à sa place. Une étoile certes, mais figée désormais dans mon cosmos personnel. Les repères étaient bouleversés.

La veille, l’homme qui habitait le corps de David Bowie et tous ses fantômes, achevait sa vie terrestre avec l’ultime élégance d’avoir rassemblé dans un dernier opus, les éléments disparates d’un puzzle, ferments de toutes les hypothèses, de tous les désirs, de tous les secrets.

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bs1La vie seule installe ses fantômes comme autant d’âmes dansantes dans notre impénétrable force à composer. Elles sont le feu de nos aspirations. La mémoire est une loterie qui tire par hasard les jetons de sa fortune comme des petits pièges. Tandis que la mort de l’être aimé tisse au quotidien des liens évidents de partage et de connivence, que la vie avait confisqué dans son tumulte.

Et même si la montagne qui s’écroule fait beaucoup plus de bruit que de nouveaux reliefs en germe, je sais cette présence à l’orphelin comme un vin de conquête. Une invisible Odyssée.

Je vis avec ces gestes appliqués, ce visage serein aux humeurs ébranlées, ces trente quatre concerts auxquels j’aurai assisté, dont je garde chacun des souffles, chacun des mirages…

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bs2Et puis la musique où la moindre des mélodies est un caillou jonchant les étapes d’une vie en construction, la mienne.

Je ne me souviens de rien car tout à fait chemin en moi.

Je n’ai jamais rencontré David Bowie même si à deux reprises nous nous sommes retrouvés à moins de trois mètres. Depuis trente sept ans, je visite son œuvre et le mystère en écho de ce qu’il a influencé de mon environnement immédiat.

Sa voix si présente. Son œuvre immense.

Je me devais de lui répondre en ce jour anniversaire, comme il avait lui-même surpris le monde à cette date, en 2013 après dix ans de long silence.

Et ce silence si long, mais plein de retrouvailles…

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bs3After All, parce que désillusion, insuffisance, solitude, sont les thèmes récurrents de ce morceau et de façon plus générale sont les piliers du monument…


Merci à tous ceux qui ont œuvré à la possibilité de cet écho
Louise Lecavalier, Frédéric Tavernini, Laurent Rojol, Christian Quermalet, Joseph Doherty… Et puis Marianne et Zita, pour qui l’héritage est probablement moins léger…


Éternelles reconnaissances.

Bonne Année à tous et à vos fantômes chéris.shared

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Dissipation d’Angoisse

Je connaissais la photo depuis un certain temps déjà. Issue d’une série célèbre alors aperçue dans quelques revues spécialisées et finalement visitée un jour dans son format d’origine (100cm/100cm), au coeur d’une galerie parisienne. Le trouble posé par le sujet dont l’évocation par l’écrit s’imposait alors comme un principe anti-photographique, invitait au sourire. Il fallait lire à cette « Angoisse » rendue à la nomination géographique de son appartenance locale, le sous–texte entendu par mon inconscience, qui en guidait alors la définition soustraite au jeu de ma propre angoisse. Mon inquiétude s’invitait par juxtaposition à ce cliché photographique. Symétrie des déformations sémantiques et des anamorphoses sémiologiques guidée par la conscience affective.

Cette série d’ « Angoisse » a hanté un moment, à la manière des possibles, nombre de petits travaux dont une carte de vœux en 2006 qui posait l’espérance de circonstance, à l’entrée de la commune « Espère » dans le Lot. Un impératif votif lancé à mon épistole.

En posant les bases de ce projet « Œuvre » dans le sillage des œuvres laissées en suspens par Edouard Levé, je choisissais d’honorer à mon tour ce village du Périgord vert, en y initiant mon principe de roman-photo dont le texte serait constitué uniquement de cent plaques posées au seuil des communes de France et dont un grand nombre sont aussi des noms communs.

« Angoisse » comme le premier mot à ce récit, et dont Edouard Levé aurait pu parfaitement imaginer le concept de roman-photo parmi les 500 œuvres imaginées et non réalisées que l’artiste a recensé dans son ouvrage.

Comme au jeu, il fallait aussi me résoudre par filiation au principe de reconstitution dont l’œuvre photographique de Levé regorge. Reproduire comme un principe de transmission, le cadre originellement choisi par l’artiste, afin de poursuivre l’œuvre dans sa dépersonnalisation, telle qu’entendue à travers tout le projet artistique de Levé. Formalisme rigoureux: cadre donc, ouverture focale, balance des blancs, toute la panoplie technique du photographe en proie à ses garde-fous. Le principe de stéréotype voyageant au cœur du travail de Levé, cette absence du photographe à son point de vue, à l’intimidation de sa subjectivité, se mesurerait donc en chiffres et coefficients, et via un bon trépied.

Premier constat, Levé devait travailler au 6/6 sur de courtes focales avec de belles profondeurs de champ et au grand angle ; certainement pas avec un boîtier numérique tel que j’en suis équipé en ce mois de janvier 2012, soit dix ans et cinq mois jour pour jour après sa séance au cœur du village en août 2001.

A mon arrivée sur la D704 je sais que je ne retrouverai pas la plaque originale dont le motif constitue la photo la plus célèbre de la série, un cliché qui se vendait 8600 euros au salon Paris-Photo en novembre dernier. La fonction street view sur Google Maps m’aura permit la veille de mesurer l’impossible entreprise de reproduction en matière de photographie. En plus de dix ans, outre l’évolution matérielle des techniques, les signalétiques, les réseaux électriques, l’éclairage public, changent. Quand ce ne sont pas les bâtiments eux même qui au pire se seront transformés, au mieux auront été supprimés.

J’assiste alors face à cette plaque de « Angoisse » absente, à la disparition d’angoisse telle que créée par la photo d’Edouard Levé. Les frontières ont donc changé (telle la première œuvre inscrite sur l’ouvrage homonymique pour ce « pays qui est dessiné de mémoire »). Ma parcelle héroïque d’Angoisse avalée tout entière par l’appellation d’un nouveau lieu-dit. Je prends alors la photo de cette disparition dont le sujet est l’apparition de la mémoire surgie du sujet disparu. Le cadre aussi est non reproductible car la technicité est modifiée elle aussi.

Au cœur du bourg, je ne peux que vérifier l’effacement progressif d’Angoisse. Fermeture du seul commerce, une épicerie mangée par les mousses et les nombreux volets clos confirment de l’exode urbain.

Et puis ce brouillard laiteux tout au long du jour, confondu dans la bruine de janvier qui approuve le sujet de mon entreprise, son effacement. D’ailleurs il n’existe plus de cadre rouge habituel bordant les panneaux nominatifs du village. Effacés, aussi.

Et bientôt, Angoisse de la page redevenue blanche ?

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Oeuvre

« Un homme repère sur la carte de France, cent communes ou villages dont le nom est aussi un nom commun ou une expression de langue française. Il scénarise un roman –photo dont le texte est uniquement composé du nom de ces lieux. Il parcourt la France pendant 10 mois afin de photographier les plaques d’entrée et de sorties des 100 communes en question. Il y fait des rencontres. Pour chaque photographie, le cadre est identique, aucune présence humaine n’y est détectable. A la fin de son parcours, l’homme agence ses photographies et propose à des acteurs de jouer les actions du roman-photo sur un plateau de théâtre. »

Etre à l’errance de ce périple dont la finalité peut encore se justifier à travers les signes du théâtre. Ainsi posée la première hypothèse de cette nouvelle création, dont la gestation  ne se répètera pas et dont le geste ne s’inscrira pas non plus dans la syntaxe écrite.

Reste alors à voyager et adopter des stratégies.

2012 commencera pour moi par ce périple et quelques dates encore de notre increvable « Et Puis…. Ziggy Stardust »

Procéder grâce à la photographie à la création d’images par empêchement du déroulement habituel de la pensée. Des kilomètres à avaler seul au volant de ma voiture pour aller à la rencontre d’un écart entre le mot et sa représentation, afin de justifier cette hypothèse de travail.

Une œuvre que n’aurait pas eu de mal à imaginer Edouard Levé (Œuvres, POL, 2002) et vers lequel penche cette première hypothèse. Cette France auteur(e) et silencieuse malgré elle, qui devient le théâtre des opérations d’un homme que je choisi d’investir comme un nouveau jeu de pistes. Obsession des lieux, comme autant de rencontres possibles à travers ces désignations de communes qui constituent le préalable, en signant le texte anecdotique de leurs correspondances accidentelles. L’application du principe rigoureux du déplacement, et la surprise de la nomination de ces endroits, proposera au cœur de la future représentation, un hiatus entre le signifiant des lieux et le signifié de l’action réalisée dans un futur, sur un plateau de théâtre…

La méthodologie intuitive des clichés a l’esthétique simple et dont le cadre frontal est dénué de présence humaine, invite à la lecture du mot signifié par l’apparition du nom propre par on ne sait quel hasard où fait historique. L’esprit des lieux doit apparaître dans le hors-champ photographique de cette France forcément profonde .

Le voilà encore ce théâtre, dans sa consternante banalité dont sa résonnance en écho est habitée par la greffe du mystère de l’imagination et où le lieu s’accomplit par la parole, texte futur d’un roman-photo parfaitement banal, lui aussi.

Peu de producteurs évidemment à suivre encore une fois mon expérience de l’énigme. Il faudra encore que l’épreuve du plateau invite à l’adhésion. Le constat progressif du manque total de capitalisation du risque dans la création théâtrale française a perdu son triple A depuis bien longtemps. Dans le département de la Mayenne, une photo du panneau indicateur de la commune d’Andouillé aurait largement contribué à la rédaction de ce constat. Elle sera visitée par mon grand-angle comme 99 autres…

Ce blog repris à temps par l’investissement retrouvé, en restituera l’errance.

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Collectif Manufacture

Vendredi, Paris, dans les bureaux cossus de la Délégation Générale Wallonie-Bruxelles sur le Boulevard Saint-Germain avec le Collectif de La Manufacture. Déjà des dizaines de demandes de compagnies enregistrées en ligne proposent leur candidature pour la prochaine édition du Festival d’Avignon. Lire les notes d’intention quand les projets ne sont pas créés et les extraits de presse quand se mettent en place les stratégies de diffusion. Il y a forcément de l’arbitraire à retenir l’un où l’autre des dossiers, à deviner les enjeux. Alors agissent en sourdine ces combinaisons offertes au subjectif, exactement comme je conçois la définition du geste au plateau : une magnifique entreprise de l’affirmation de soi, une radicale tension du vivant.  Le reste n’est que savoir-faire et stratégies de séduction. Je ne veux pas être de ces caresses mielleuses dont le sucre colle aux mains des tacticiens, stigmates révélatrices d’une soumission à toutes les formes de pouvoir où se dilue parfois l’évidence du désir d’un hypothétique futur directeur de structure, et dont la question de l’art se fout et se fond mollement dans la saccharine, colle fédératrice des adhésions immédiates.

Ici les propositions sont étudiées à la lumière de ce qui nous tient, en collectif, où forcément la discussion sera ouverte. Ces réunions mensuelles ouvrent un panorama où toutes les formes du geste contemporain au théâtre, résonnent en écho ou se perdent dans une histoire achevée. Ce Collectif à pour vocation de rassembler les pièces d’un puzzle dont le motif composite évalue l’idée du vivant et de sa présence au monde.

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Station To Station

Nantes, donc. Rendez-vous fixé avec la « Station Team », projet en devenir pour lequel je me suis engagé à accompagner la direction artistique. Eliott Manceau poursuit ici sa route entamée avec notre Et puis… Ziggy Stardust à la recherche de sa propre expression de scène. Il est accompagné de quatre grands et solides gaillards, à qui je viens confier le réalisme du projet auquel je vais associer la promesse du rêve en devenir.

A force de déjouer les caprices horaires du réseau ferré régional entre Nantes et Rennes d’où ils sont originaires, il fallait bien que ces cinq-là volent un peu de leur temps perdu de gare en gare à cette station assise dont ils ont usé les fonds de leur jeans slims à composer sur leurs guitares, les hymnes de leurs conjointes retrouvailles.

STATION donc, afin de faire le pont entre attentes muées en savantes mélodies, référence certaine aussi au Thin Withe Duke, période Golden Years, dont ils portent tous les cinq, la fraîcheur des années d’or. Celles où l’utopie s’enjoint parfois de l’éclat du miroir renvoyé au portrait de Dorian Gray de Wilde. Les références littéraires sont toujours bonnes à prendre dans la constitution d’une bonne « bio » en matière de pop’n’roll, surtout quand elles sont identiques…

Mirror-Mirror pourraient t’ils chanter à l’unisson, reprenant le choral d’Arcade Fire, dont ils écumèrent pendant deux saisons les concerts en France et Outre-Manche. Retour forcé à l’inconfortable station couchée dans les petites gares des districts de Londres et autres cités festivalières. C’est avec cette fascination tournée vers l’énergie anglaise, sa légende forgée de trouvailles dont ils se nourrissent tels d’avides orpailleurs, que leur langue s’est heurtée à l’évidence naturelle de l’idiome.

Du temps à attendre donc, tous et tout à la musique, à son alchimie fédératrice revendiquée dans cette intuitive référence qui s’affranchit d’une élégance toute nouvelle.

A l’origine, c’est en découvrant ses reprises postées sur Dailymotion que je décidais de proposer à Eliott sa participation à Et Puis J’ai Demandé à Christian de Jouer L’Intro de Ziggy Stardust. La fréquence des représentations aura mûri son désir, affirmé sa présence. Heureux d’avoir été ce « passeur » là.

Aujourd’hui il amène avec lui, ses comparses Alex, Iwan, Brieuc et Thibaud, dans l’aventure STATION, pour laquelle je partage fièrement en « ancien » l’effervescence de cette aventure neuve.

Après-midi Nantaise à capturer les poses longuement mûries de ce club des cinq, sur le pavé de l’ïle où de savantes machines réveillent les rêves d’enfants.

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Wait For Me In Bruxelles

Bruxelles, Nantes, Paris, cette semaine. Station to Station, encore. Une évidence, une dynamique. Un blog en forme de journal hebdomadaire, via le cordon ombilical du MacBook fatigué, relié tel le perfusé en fin de vie, au réconfort des premières.

Retour donc lundi au Théâtre 140 chez l’ami Jo qui recevait le combo Zita Swoon et ses deux artistes burkinabés Madou Diabaté, balaphoniste, et Awa Démé au chant, « incantation originelle » devrais-je écrire, pour un scintillant Wait For Me .
Avec ces artistes, comme je l’exprimais ailleurs, la rencontre n’est évidemment pas une formalité du langage promotionnel dont s’use le théâtre français, mais l’évidence d’une énergie organique qui mêle à la complexité des langues, la fusion des tessitures, toutes joyeuses d’être là, à cet instant.
Il y a décidemment dans l’habit large de Stef Kamil, une place généreuse à toutes les audaces, toutes les tentatives de fraternisation. Ravi donc de m’inviter encore à ce voyage, armé cette fois, d’un objectif nu me concernant, mais du boîtier Canon 5D Mark 2, afin de figer dans le pixel tendu à l’ouverture ample de son optique, les grâces offertes à l’énergie euphorique de ce nouvel équilibre. Zita Swoon n’avait jamais joué au 140, et c’est en venant voir notre Ziggy en février dernier, que rendez-vous fut pris dans cette arche légendaire des avant-gardes et des après-modes. Joie simple de ces sourires partagés, dont mon ego ne conserve cependant qu’une part égale, mais porteur de cette douce plus-value qui capitalise d’inestimables utopies.
Et Bruxelles se finit irrémédiablement tard, dans l’entresol de son théâtre légendaire, un léger goût de vodka frappée, versé généreusement par le Maître des lieux, Capitaine serein, compagnon idéal des voyages immobiles. Il me faudra, un jour écrire longuement sur Jo Dekmine dont le dernier numéro de Alternatives Théâtrales lui est entièrement consacré.

Transit familial, forcément vital, par Bordeaux qui n’en finit pas de s’engluer dans l’auto-satisfait Evento, avant que de rejoindre ce morceau de carte qui lutte encore avec son histoire bretonne.

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Evento, Pippo, Pistoletto…

Il fallait d’abord trouver un titre. Déplacer la forme du classique son et lumière, pour lui rendre la portée politique attendue par l’intitulé de cette deuxième édition d’EVENTO, rendez vous artistique de la ville de Bordeaux : « L’Art pour une ré-évolution urbaine ».

EVENTO est d’abord une histoire de titres, de communication.

Ce fut donc « Bordeaux-Rosso » que Pippo Delbono plaça en exergue de cette commande municipale. Jouer sur la couleur rouge, celle du vin associée ici caricaturalement à la bourgeoisie locale. Et l’autre bien sûr, celle de l’à plat sanguinaire des ré(é)volutions à construire ensemble, toujours dans cet esprit participatif qui fleure bon la tarte à la crème des inspirations en déroute. Cet « être ensemble » au cœur de l’utopie urbaine qui autorise dans son manifeste plumitif calqué sur un guide de management, « d’étendre mes possibilités d’appropriation du réel »

Petit actionnaire autorisé de cette « relation de proximité », de la « réappropriation citoyenne de la création artistique », animé par un esprit d’échange formulé par un « savoir partagé » je m’autorise donc ici, puisque on m’y laisse la place, de participer à l’œuvre, de me l’approprier.

Au rouge de Pippo Delbono, j’y ajouterai donc volontiers le jaune de ces dizaines de médiateurs culturels, présents sur cette Place de la Comédie et qui indiqueront aux non-initiés de l’Entre-Soi, le sens du regard. Cela se passera donc par là, en direction du Grand Hôtel de Bordeaux où l’artiste y projettera ses grimaces muettes sur les Suites à 5000 euros. Jaune participatif et incendiaire de cette richesse que l’on enflammera à coups de projections d’images bâclées sur les façades ornementées, délit virtuel de la richesse contre la pauvreté pour laquelle le chantre du petit-peuple prendra un plaisir malin à rajouter à la rage volée aux valeurs patrimoniales (Artaud, Rimbaud), les symboles caduques de la Bourgeoisie Bordelaise. D’ailleurs, ceux-là quitteront l’espace VIP au moment où les objectifs se tourneront vers la faconde joyeusement agressive du nouveau possesseur des lieux. La danse auto satisfaite de l’enfant pris la main dans le sac, aidera à la défaillance du discours et à l’ergonomie de sa diffusion. Difficile de chuchoter dans l’oreille de trois mille personnes parquées entre les clichés de la richesse locale et contre lesquels les mots voudraient pourtant buter en anathèmes vainqueurs .

Mais qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse – jouée celle-là – par une vingtaine de figurants habillés de velours rouge (encore !) et buvant quelques verres de Bordeaux (il faut bien que le titre serve le propos) au balcon du Palace. Gestuelle toute fellinienne à qui l’artiste ne fait pas qu’emprunter la musique depuis déjà quelques spectacles… L’organisation du Festival aura passé annonce quinze jours avant la fête, de la requête participative afin de recruter des acteurs – bénévoles – il va sans dire. L’argent ne rentrant seulement que dans la marque de fabrique, le logotype exotique du Bouffon qui remplira fort bien son rôle.

Dans la palette, en vrac, il sera question de clichés manichéens synthétisés en déclamatoires génériques. Entendu donc les innovantes :« La Police Française il me fait peur et il doit changer de vêtement », « en Italie il y a plein de fous ». Ici ce ne sont pas les accords de genre qui font rire. Une seule règle : jouer la musique fort et envoyer le discours aux violons fatigués.

Au Rouge de Pippo, le blanc crème des coutures trop visibles. Le col pelle à tarte largement ouvert, l’acteur bombera le torse, fier encore de nous présenter les « mis à part » que la commande aurait bien évidemment exclu. Frédéric Mitterrand, Alain Juppé, réglant probablement des détails gouvernementaux dans les Salons Boireau de l’Opéra, ils n’auront pas la chance « participative » d’applaudir dans une sensible communion le babil de Bobo, alibi humaniste contre lequel la critique objective des spectacles de Pippo Delbono se heurtera toujours.

Chacun dans son rôle. La bouffonnerie au service de la République a encore de beaux jours devant elle. La Place de la Comédie se videra de ses chimères. Mais qu’importe au final ce qui fût montré, l’essentiel est que cela ait eu lieu. Comme toujours dans tout événement promotionnel. Evento n’échappe pas à la règle.

Imperturbable, le curateur désigné par l’autocratie de cette nouvelle édition d’Evento, Michelangelo Pistoletto, sous son beau chapeau de paille d’Italie continuera d’évoquer la transformation sociale responsable…

Qui sème le vent récolte le vent.

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Montebourg freine à l’Orange.

Un attroupement dans une grande artère commerçante de Bordeaux à l’heure où le chômeur flâne en ravalant ses frustrations. Combien sommes-nous ici à soustraire l’impossible désir à l’arrogance du besoin ? Marcher sans but, balisant mon chemin des franchises aguicheuses et des promesses des lendemains meilleurs, échafaudant pour y échapper des stratégies obliques.

A la périphérie de ce demi-cercle composite, il semblerait qu’Orange propose aujourd’hui quelques promotions sur d’hypothétiques forfaits bousculant la concurrence. Celui qui occupe le centre de cette assemblée, face à l’enseigne au logo hype, harangue t’il le futur possesseur de smartphone bradé ? Vante t’il l’esprit d’un nouvel abonnement hyper compétitif ? Cette voix sûre dont le discours habite le temple de la consommation bordelaise, parle de démondialisation et des effets dévastateurs de la finance mondiale. Micro en main, Arnaud Montebourg, solide gaillard morvandiau est en campagne. Planté dans son costume anthracite, le cheveu fin, il arpente le périmètre à la façon d’un propriétaire.
L’homme pourrait parfaitement tenir le rôle du directeur du Sephora qui se trouve à quelques mètres. Le capitalisme coopératif mutualiste, la Nouvelle France, les détails du programme, sonnent comme des slogans dont le relais publicitaire serait généreusement offert par le fournisseur multimédia qui pour l’occasion, fournit l’électricité au dispositif.
L’indexation des salaires sur les gains de productivité, les conditions de travail n’ont pas l’air de réveiller les récents suicidés de la maison orange. Le Kakemono formulant synthétiquement le discours électoral posé en figure de proue sur cette scène improvisée, convie les signes de la promesse qui se répondent en écho. J’aimerai pourtant continuer de croire à ce programme et les probables vertus de son chapitre culturel que j’avais déjà entendu cet été en Avignon.
Ici, nous sommes sur la Place Saint-Projet, la bien nommée. Endroit idéal à l’utopie, certes, mais qui était donc ce Saint que nous ne saurions voir dans les propositions des six candidats à l’imminence des primaires socialistes ?
En espérant que les voeux pieux dont on nous parle depuis quelques mois n’invitent plus à cette complicité débordante des méthodes du marché et la complaisance des stratégies aguicheuses. Il y a urgence, et ce numéro à composer ne relève pas des compétences de la téléphonie.

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Mort à Crédit

Un aller-retour dans les oubliettes du théâtre privé à Paris, je savais que je n’y trouverai pas ma place. J’ai tenu pourtant à continuer l’accompagnement d’Eric Sanson pour son adaptation de « Mort à Crédit » de Céline créé à Bordeaux dans son Petit Théâtre l’hiver dernier…

Sentiment de malaise. Ici les mots sont jetés en fonction de l’indice immobilier du prix au mètre carré et des hypothèses tendues pour une fréquentation massive des lieux. Un Théâtre ? Non un de ces mouchoirs de poche humide dans lequel s’essuie une réputation pré fabriquée par une histoire dont on ne sait d’où elle est tirée. Face à Beaubourg, l’adresse en serait presque prestigieuse. Le Marais où s’enlisent les marchands du Temple, la rue n’y est pas loin. Pourtant…

Eric doit débourser 200 euros par soir de représentation jusqu’en décembre en jouant du jeudi au dimanche ; soit « assurer » la présence d’au moins dix spectateurs payants sur les 40 chaises Ikéa posées contre la vieille moquette qui fait office de scène, afin de rembourser sa mise. Marron, la moquette, et pas question de contrarier ce choix contre-nature stimulé par la remise conséquente et probable d’un magasin de saisie des douanes… D’ailleurs ici il n’est pas question de toucher à quoi que ce soit, les lieux doivent rester dans l’état dans lequel on aurait aimé les trouver en entrant. Pas question de planter autre chose que l’affirmation de son verbe. Le halo des quatre projecteurs interdit tout plan de feu y compris les noirs rendus impossibles à cause des rectangles verdâtres des issues de secours, placés judicieusement dans chaque axe de vision… Ici, ça cague en file indienne et à heures fixes. Débarrasser le plancher (qui n’existe donc pas), sitôt la représentation terminée. Pousse toi de là Ferdinand, hors d’ici Céline, que je vienne chier ma « comédie pop et acidulée » ! C’est ainsi que s’annonce le spectacle qui suit, je n’invente rien.

On aura bien compris qu’ici, le théâtre se nourrit de sa très large acceptation, de son entendement le plus ouvert, et où le ticket doit être débité au mètre. Alors oui Céline et le bonbon pop acidulé font bon ménage : forcé. Guignol’s band !

Eric savait tout ça, mais soustraire son plaisir du jeu au tarif de l’attachée de presse, aux devis de l’imprimeur, à cette location indexée à l’angoisse de la salle vide, à sa chambre payée à quelque ordre religieux du quartier latin, était finalement un calcul injurieux et qui n’avait pas lieu d’être.

Eric n’a fait qu’un choix, un seul. Depuis le début, en affirmant sa condition de précaire, refusant tous les statuts, de l’intermittence au chômage, afin de ne privilégier que sa liberté de lanceur de mots des autres. Eric a choisi a dessein de s’offrir le luxe de sa précarité pour jouir du sens de son artisanat. En louant et habitant son théâtre à Bordeaux d’abord, sans aucune subvention, et vivotant des maigres recettes des soirs de spectacle. En jouant à Paris ensuite, et s’offrant à crédit cette mort programmée de l’acteur qui chaque soir y laisse fantastiquement un peu plus sa peau. Cette « Mort à Crédit » dont finalement le ressort dramatique sera plus tendu qu’il n’y paraît.

Une partie de ma mise en scène sera donc restée à Bordeaux. Une partie de moi, troublée et peut-être envieuse sera venue accompagner ce voyage au bout de la nuit, ce casse-pipe .

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Roulés vers l’or.


Madrid, soleil de plomb en ce jour de première représentation de « Et Puis… Ziggy Stardust ». Les abords de la Puerta del Sol sont encore ceints des stigmates vindicatifs des derniers Indignés renvoyés à la Diaspora du repli. Ce repli sur soi, qui aura finalement eu raison de l’utopie collective et de la lutte pour de lendemains moins chers.

Par mimétisme à ce renvoi, dont seules les forces de la nature connaissent l’exclusivité de la mutation organique, le soleil qui brille en ce samedi, disperse ses mille éclats jaunes en un faisceau épars dans les ruelles adjacentes à la Place du même nom.

Des porteurs du fameux gilet jaune (pour qui, en son temps, notre Karl Nazional ventait la tendance Frenchy lors d’une campagne de Sécurité Routière), mannequins engoncés dans leur chape fluo, hommes sandwiches dont ils constituent inconsciemment la viande enfumée par les lois de la spéculation et de la faim au ventre, circulent, hélant dans les allées piétonnières, traquant les passants, héritiers supposés de fortunes dérisoires. Gibiers impotents, terrassés par le poids de la crise financière et de la dette mondiale, ils sont sollicités à la façon d’un invisible Don Salluste échappé de « La Folie des Grandeurs », à se débarrasser dans des Eldorados de pacotille, (enseignes rouvertes pour l’occasion tel le bernard l’hermite qui hante les coquilles vides), du moindre gramme d’or constitué progressivement par une généalogie atteinte au cœur de son histoire. Rabatteurs solaires, conquistadores de l’indécente urgence, ces hommes jaunes distribuent allégrement numéros de téléphone et adresses, à proximité de bordels clinquant et montés à la va-vite, où la moindre pépite avant que d’être estimée, sous-estimée, sera pesée et finalement échangée contre quelques euros, sésame coupable dont l’étalon mesure constitue pourtant la probable origine de leur mal.

Madrid se rue vers l’or à la faveur d’une crise de plus en plus présente, incisive. Ces incisives ou molaires dont certains n’hésitent pas à se faire arracher afin de retrouver la promesse éphémère du Dieu Pouvoir d’Achat. Pouvoir de rachat vers lequel abondent spéculateurs assoiffés, pilleurs de bijoux de famille et de « valeurs sentimentales ».

Le poison se mord l’aqueux, les nappes phréatiques sont d’ores et déjà infestées. A Madrid et bientôt dans votre ville, l’or sera probablement soluble dans la crise…

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